Le traitement pénal de la fraude fiscale : exemple d’absence de sursis à statuer dans l’attente de la décision du Juge de l’impôt
Par un arrêt du 8 avril 2021, la Chambre criminelle de la Cour de cassation illustre un des principes énoncés dans ses arrêts du 11 septembre 2019 sur le traitement pénal de la fraude fiscale relativement au sursis à statuer dans l’attente de la décision du Juge de l’impôt.
La Cour de cassation avait affirmé que le Juge pénal pouvait surseoir à statuer « en cas de risque sérieux de contrariété de décisions, notamment en présence d’une décision non définitive déchargeant le prévenu de l’impôt pour un motif de fond » (Cass. crim., 11 septembre 2019, n°18-81.980 : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/1174_11_43532.html).
Dans cet arrêt commenté, la Chambre criminelle rejette la demande de sursis estimant que le risque de contrariété est trop faible en cas de procédure pendante devant le Conseil d’Etat, dès lors que le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel ont précédemment rejeté le recours du contribuable.
En outre, le fait qu’une question préjudicielle sur la possibilité du cumul des sanctions fiscales et pénales soit également pendante devant la CJUE suite à une saisine de la Cour de cassation (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-81.929) est également indifférent puisque « l’imposition sur le revenu n’entre pas dans le champ d’application du droit de l’Union ».
Par cet arrêt de rejet, la Cour de cassation précise également les éléments constitutifs de la fraude fiscale susceptible d’être poursuivie à raison de « sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France » (article 155 A du Code général des impôts).
Il s’agissait en l’espèce d’une dirigeante de société ayant cédé les droits d’exploitation des marques et brevets de sa gamme de produit à une société de droit anglais.
Cette dernière percevait la rémunération des services réalisés par l’ancienne dirigeante ayant conservé, par un contrat conclu le lendemain de la cession, l’exclusivité de l’exploitation des marques et brevets.
Alors que les bénéfices perçus par la société de droit anglais rémunéraient indirectement les services réalisés par la dirigeante de la société dont les droits d’exploitation avaient été cédés, cette dernière ne déclarait pas ces sommes.
Condamnée pour fraude fiscale en appel, la Cour de cassation rejette les deux moyens de la prévenue :
- d’une part, elle soutenait que la rémunération ne concernait pas une prestation réalisée en France, ce fait ne pouvant conduire à caractériser l’infraction de fraude fiscale : la Cour considère en réponse que dès lors que la rémunération est perçue par une personne établie ou domiciliée hors de France, la caractérisation de l’infraction « n’est pas subordonnée, dans l’hypothèse où la personne qui rend les services est domiciliée ou établie en France, à la condition que ces services aient été rendus en France » ;
- d’autre part, la requérante relevait que l’appréhension des fonds, même indirecte, n’était pas déterminée : en réponse, la Cour retient qu’il y a, en cas de prestation de service, une présomption d’appréhension des bénéfices ou revenus tirés de cette prestation par la personne l’ayant réalisée.
En somme, s’agissant du dispositif de l’article 155 A du CGI, la preuve de l’appréhension des sommes n’est pas exigée pour caractériser le délit de fraude fiscale.
Fraude fiscale : Cass. crim. 8 avril 2021, n° 19-87.905
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